Mieux dormir pour mieux vieillir
Alors que les recherches scientifiques confirment les bienfaits du sommeil sur notre organisme et notre mental, nous dormons moins… et moins bien !
Ce manque de sommeil qualitatif est la source de nombreuses pathologies, accélère le vieillissement de nos cellules et amplifie le risque de dégénérescence cognitive.
Et si dormir mieux était un remède pour mieux vieillir ? Éclairage avec le Dr Nicolas Juenet, psychiatre et médecin du sommeil, Directeur Médical adjoint du groupe, secteurs Psychiatrie et Sommeil.
16 minutes de sommeil en moins en 2023
6h42. Voilà la faible moyenne de sommeil quotidien des Français1 en semaine.
Un chiffre trop faible quand tous les professionnels de la santé s’accordent à dire que le sommeil minimum moyen pour un adulte équivaut à une nuit de 7 heures.
Plus inquiétant encore, l’accélération de ce processus puisqu’en 2023, nous dormions en moyenne 6h58, soit 16 minutes de plus…
La raison de la perte de ces précieuses minutes ? Les effets de nos nouveaux modes de vie sur notre sommeil qui bousculent nos cycles circadiens (terme scientifique pour désigner nos horloges internes) et imposent des rythmes moins naturels : « Lorsque je demande à des patients pourquoi ils se couchent tard, ils évoquent très souvent les horaires tardifs des chaînes de télévision, le travail qui se termine tard, l’envie de décompresser… On retrouve ce rapport au temps à l’autre bout du sommeil, quand il faut se lever tôt pour diverses raisons. Les besoins vitaux de sommeil ne sont plus respectés, » détaille le Dr Juenet.
À cela s’ajoute : le stress, le manque de pratique sportive, l’exposition moindre à la lumière du jour et la connexion aux écrans qui stimulent en permanence notre cerveau et diffusent une lumière bleue dont on sait aujourd’hui qu’elle bloque la production de mélatonine, hormone du sommeil.
Un capital santé affaibli
Ce manque de sommeil chronique crée un terrain propice au développement de nombreuses pathologies. Le Dr Juenet évoque une « dette du sommeil que nous payons sur le court comme sur le long terme », avec à la clé de nombreuses pathologies : augmentation du risque de maladies cardiovasculaires, obésité, affaiblissement du système immunitaire, perturbation de la production d’hormones, troubles d’anxiété, dépression, troubles cognitifs, diminution de la mémoire… tous accélérateur du vieillissement.
Chez les personnes âgées, le sommeil devient plus léger, instable et fragmenté, avec des réveils fréquents et potentiellement toutes les 90 minutes. Cela peut s'expliquer par l'accumulation de maladies, les polymédications perturbant le sommeil, une moindre exposition à la lumière et une réduction de la production de mélatonine, essentielle pour réguler la durée du sommeil. « La lumière, principal synchroniseur de l'horloge biologique, joue un rôle clé, » souligne le Dr Juenet.
Le manque de sommeil pourrait aussi être l’un des facteurs d’apparition de certains cancers : « Au Danemark, le cancer du sein est reconnu comme maladie professionnelle si la patiente a plus de vingt ans de travail de nuit reconnu. On sait que les troubles du sommeil et les anomalies de rythme du sommeil ont un rôle sur la division cellulaire et sont donc potentiellement facteurs de cancer ».
Lorsque je demande à des patients pourquoi ils se couchent tard, ils évoquent très souvent les horaires tardifs des chaînes de télévision, le travail qui se termine tard, l’envie de décompresser (...). Les besoins vitaux de sommeil ne sont plus respectés.
Nicolas Juenet, Directeur Médical adjoint du groupe, secteurs Psychiatrie et Sommeil
Maladie d’Alzheimer et sommeil : lien établi
Avec la vieillesse, les dégénérescences cognitives augmentent. Une des manifestations de la Maladie l’Alzheimer est l‘accumulation excessive de Bêta amyloïde (agrégats toxiques de protéines) qui s’agglutinent les unes aux autres, forment des plaques et viennent perturber le fonctionnement normal du cerveau. C’est à Maiken Nedergarrd2 et son équipe de recherche de l’université de Rochester (USA) que l’on doit la compréhension du lien entre mauvais sommeil et maladie d’Alzheimer il y a dix ans. « Cela a permis de mieux comprendre ce qui se passe dans notre cerveau. On y trouve un système de canaux qui s'occupe de l'élimination des déchets que le cerveau produit tout au long de la journée. Ce système fonctionne en permanence, mais il est particulièrement actif pendant le sommeil, » étaye Nicolas Juenet.
Un mauvais sommeil peut donc avoir un rôle d’alerteur, tandis qu’un « bon sommeil » pourrait avoir un rôle préventif sur l’apparition de la Maladie Alzheimer et contribuer à limiter la détérioration cognitive.
Alors comment prendre soin de son sommeil ?
Quelques règles simples :
- Respecter sa propre horloge interne
- Adapter son rythme de vie et ses habitudes de consommation en conséquence
- Cesser l’exposition à la lumière bleue de nos écrans 1 heure avant de se coucher
- Faire des siestes courtes (< 20 mn)
Le cycle du sommeil étant fortement contrarié avec la vieillesse, deux traitements ont fait la preuve de leur efficacité : la luminothérapie et la mélatonine. Associés, ces deux synchroniseurs – interne et externe – offrent une combinaison efficace pour, entre autres :
- Diminuer le temps d'endormissement
- Augmenter la durée du sommeil
- Atténuer les symptômes dépressifs
- Contenir la détérioration cognitive
… et donc, mieux vieillir !
1 Statistiques recueillies par l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV) lors de la 24e Journée du sommeil en mars 2024.
2 Maiken Nedergaard est une neuroscientifique danoise.